Les affinités entre moines et vignobles sont fort anciennes ; le rôle des religieux dans le développement de vins est particulièrement connu en ce qui concerne, en France, les vins de la Bourgogne, avec les abbayes de Cluny et de Cîteaux, propriétaires de terrains appelés Nuits, Volnay, Vosne, Corton ou encore Fixin. Mais de nos jours encore, on trouve des moines passionnés par la culture viticole, qui produisent des vins renommés. C’est ainsi le cas sur l’île de Saint Honorat, au large de Cannes, où un vignoble de 8,5 hectares est géré par les moines de l’abbaye de Lérins.
Le vin insulaire, un outil marketing
L’ambiance qui règne sur l’île est profondément religieuse, le quotidien étant marqué par les prières, dans une atmosphère silencieuse où les moines ne parlent que brièvement et rarement, à voix basse. Toutefois, cela n’empêche pas Frère Marie Pâques, moine vigneron, de discuter avec volubilité avec ses employés, clients et visiteurs durant ses heures de travail, de surfer sur Internet et de voyager à l’étranger pour promouvoir sa marque naissante. Tout a commencé il y a vingt ans, lorsque les moines décidèrent de reprendre le flambeau d’une tradition vigneronne vieille de 16 siècles, replantant progressivement la vigne et se formant au vin. Aujourd’hui, ce sont 40 000 bouteilles qui sont produites chaque année.
La recherche de l’excellence
Frère Marie Pâques affirme clairement sa volonté de développer une marque qui « soit aussi reconnue que les grands noms de la viticulture française ». La modicité du domaine invite d’elle-même à faire de l’excellence pour pouvoir gagner sa vie. Les bouteilles sont ainsi vendes entre 25 et 190 Euros, générant un chiffre d’affaires annuel de 850 000 Euros. Elles sont écoulées à la boutique du monastère ainsi que dans des restaurants de la Croisette. Aux anciens pieds de clairette se sont ajoutées des parcelles de syrah, de chardonnay, de mourvèdre, de viognier et de pinot noir. Les vignes sont cultivées dans le respect de la nature, sans chimie, ni herbicide ou engrais. Un œnologue suisse, Jean-Michel Novelle, épaule le maître de chai pour la vinification et l’embouteillage.
La diversité des vins produits
Les vins produits sont classés en vin de pays des Alpes-Maritimes. La brise marine leur confère leur fraîcheur, tandis que la forêt apporte ses profonds parfums. L’abbaye produit deux vins de base, du rouge et du blanc, ainsi que cinq cuvées cuvées confidentielles d’excellence issues chacune d’un seul cépage, en rouge ou en blanc, mais sans rosé. La bouteille la plus chère, un Saint Salonius, est produite à partir du pinot noir, qui donne un vin puissant et élégant. Selon le maître de chai, le meilleur vin est le Saint Lambert, à base du cépage méditerranéen mourvèdre, qui donne un vin frais et fin, aux arômes floraux délicats. On trouve également le rouge Saint-Honorat, marqué par une touche d’eucalyptus, devancée par des notes de fruits rouges, myrtilles et cassis, ainsi que les blancs Saint-Pierre et Saint-Césaire, à l’esprit minéral typique, avec des notes de fruits exotiques, noix de coco et ananas.
La production de liqueurs
Environ 12000 bouteilles de liqueurs sont également produites chaque année : liqueur de mandarine, liqueur de citron de Menton, le Lerincello ; la Lérina jaune, aux essences de fleurs sauvages et d’écorces d’agrumes ; la Lérina verte, essence de 44 plantes méditerranéennes aux arômes floraux intenses, où se détachent des notes de menthe, d’anis et de verveine.